L’outil préféré du conservateur-restaurateur de tableaux pour le nettoyage des oeuvres d'art
Si vous me demandez l’outil qui peut caractériser le métier de conservateur-restaurateur, je vous répondrai sans hésiter le fameux “coton-bâtonnet”. Le bâtonnet fin, la pluspart du temps en bambou, ne peut suffir à lui seul. C’est associé à quelques fibres de coton qu’il prend tout son sens. C’est aussi grâce à lui que nous nous distinguons des peintres. Si je peux passer une semaine ou presque sans pinceaux dans les mains, rares sont les journées sans toucher un bâtonnet ouaté.
Je ne suis pas certaine que cette histoire de coton bâtonnet soit très parlante pour les non-initiés. Si vous pensez à un vulgaire coton-tige sachez que vous êtes à la limite de l’insulte ! Et si l’actualité sanitaire vous a conduit à vous faire faire un test PCR, je suis navrée que vous associez un écouvillon pénétrant douloureusement dans votre cloison nasale à l’outil le plus doux et le plus subtil que je connaisse.
Le coton bâtonnet est unique. On ne l’achète pas près à l’emploi, on le façonne. Et on l’adapte à chaque nouvelle situation. Si les formes et les tailles varient, la formule de création du coton-bâtonnet reste inchangée:
-Prenez quelques grammes de coton dans votre main gauche.
-Approchez le bâtonnet avec votre main droite et mettez le au contact du coton.
-Tournez le bâtonnet sur lui-même dans le sens des aiguilles d’une montre.
Si vous venez d’appliquer cette recette, vous vous êtes certainement retrouvés avec une barbe à papa assez diforme (photo). Et pour cause il vous manquait l’ingrédient secret :
-Quelque soit la quantité de coton selectionné, il faudra la placer entre votre pouce, votre index et votre majeur.
-Puis pincer ces trois doigts au moment de la rotation du bâtonnet.
Il n’y a que comme cela que vous obtiendrez un outil homogène et lisse. Puis en fonction des besoins et des opérations à réaliser sur l’oeuvre, ce bâtonnet de coton se gorgera de solvants lorsqu’il sera au contact d’un liquide. Mais on arrose pas un tableau de solvants comme on arrose un viande de sauce. Il faudra encore essorer le coton-batônnet sur les parois des flacons en verre. Alors et seulement alors il pourra rentrer en contact avec la surface de la toile.
La dextérité et les connaissances du conservateur-restaurateur entrerons ensuite en jeu:
-à lui de savoir combien de temps le coton devra rester sur l’oeuvre
-à lui d’estimer quel diamètre devront avoir les cercles formés par les mouvements de ses poignets
-à lui de connaître le moment où le coton sera s’atturé par l’encrassement ou le vernis à nettoyer.
A ce premier coton succédera des dizaines et des dizaines, jusqu’à ce que les doigts pincés du restaurateurs deviennent légèrement douloureux.
Il arrive aussi que le coton si doux puisse être utilisé seul. Le restaurateur le modèle comme le vent faconne les nuages et l’ensemble de ses doigts agissent alors en un seul souffle.
Mais où vont-ils ensuite tous ces nuages? Enfin tous ces coton. Je dits bien coton car si eux-même sont à usage unique, le bâtonnet lui pourra durer plusieurs heures. C’est d’ailleurs souvent lui qui décide quand il s’arrête en imposant sa cassure au conservateur-restaurateur. Mais revenons à nos cotons, là encore c’est un coup de main à prendre. Un pot percé nonchalamment par le restaurateur ; avec un tournevis, un ciseau à bois ou tout autre objet dont ce n’est absolument pas l’usage premier ; permettra d’introduire le bâtonnet et son coton dans une enceinte fermée. Puis un geste déterminé, vif et précis permettra de ressortir le bâtonnet seul. Le coton lui viendra s’échouer au fond du pot, sa chute amortie par les cotons précédents. Le bâtonnet fera alors une enième rencontre avec un nouveau morceau de coton, et seule la fin de l’opération de conservation-restauration du tableau mettra un terme à ce speed-dating.
Alors si un jour au détour d’un rayon de supérette vous tombez face à face avec une personne avec des paquets de cotons pleins les bras, ne soyez plus surpris, dites vous simplement que quelque part dans votre quartier, un grand tableau est arrivé dans un atelier pour être restauré.